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Rédaction épicène, les petits mots rassembleurs
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Author: ISABELLE MEURVILLE
France
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By ISABELLE MEURVILLE
Published on 06/9/2017
 
Écrire pour toustes


Vous lisez bien. L’utilisation de toustes, joli néologisme que nous devons à une association féministe belge, n’est pas une faute de frappe. Il réduit intelligemment le doublon « tous et toutes », ne présente aucune difficulté de prononciation et le sens est immédiatement accessible. Bref, un petit mot épicène et rassembleur !
Écrire sans exclure
Deux clichés collent à la peau de notre métier. Le premier est le devoir d’invisibilité. Les étudiant.e.s apprennent qu’il leur faut devenir invisibles pour respecter le texte source. Le deuxième, notre péché originel, qui nous est régulièrement rappelé, est la trahison. Je vais d’abord dénoncer l’invisibilité avant de constater une trahison récurrente.
Croyez-vous à la magie ?
Souvenez-vous du cadeau de Noël du petit sorcier de Poudlard dans le deuxième des sept tomes de la saga Harry Potter. Il reçoit une cape d’invisibilité qui lui permettra entre autres d’être témoin d’un assassinat sans être vu. Voilà ce que l’on exige des apprenti.e.s traducteurs et traductrices. La consigne donnée consiste à s’effacer devant le texte source (quelle que soit sa qualité, en effet). Pourtant certaines traductions, qu’elles soient pragmatiques ou littéraires, atteignent un niveau de style qui les distingue de la masse. Ne peut-on pas en conclure que nous possédons un style et que nous n’effectuons pas un travail invisible ?
Traduttore, traditore
Cette expression italienne fonctionne également dans d’autres langues, par la proximité des deux termes : traducteur et traître. L’idée qu’elle recouvre est que l’on ne peut jamais respecter véritablement et parfaitement le texte de l’œuvre originale. La citation, tel le péché originel, nous poursuit. Pourtant, je l’affirme en m’appuyant sur quinze années de pratique, personne (et là je ne veux blesser aucun.e auteur.e), personne ne lit un texte avec autant d’attention que les traducteurs et traductrices. Un·e linguiste suit une procédure rigoureuse, notamment en travaillant en équipe pour produire une traduction pertinente. Cela suffit-il à respecter la lettre et l’esprit ? Et si je trahissais effectivement ?
Prenons un exemple concret. Il m’est arrivé de recevoir une charte de déontologie d’un grand groupe international qui met en avant ses valeurs d’entreprise : lutte contre la corruption, lutte contre les discriminations, mise en place d’une ligne d’appel anonyme pour lancer les alertes… Le texte était en anglais, langue source de ma combinaison de travail. L’équipe de rédaction du service RH avait pris soin de doubler les quelques cas sexués en anglais (he/she ; her/his). En traduisant cette charte au masculin, sous prétexte qu’il est neutre (sic), qu’il englobe (ou pire qu’il l’emporte sur) le féminin, est-ce que je ne trahis pas les valeurs de l’entreprise cliente ? J’ai interrogé mon interlocutrice qui a convenu qu’il fallait donner une égale visibilité aux femmes et aux hommes dans le document.
La langue française offre des solutions aisées à mettre en place. Il suffit de se poser quelques questions. Le texte sera-t-il lu à haute voix ? Qui est le public ciblé ? Quelles sont les valeurs de l’entreprise ? De quelle catégorie d’écrit s’agit-il ? On n’optera pas pour les mêmes solutions de contournement du masculin générique pour rédiger une offre d’emploi ou une chronique de blog.


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